Les préjugés détruisent la liberté et engagent la division sociale

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A lack of boundaries invites a lack of respect

L’absence de limites invite à l’absence de respect

Les préjugés détruisent la liberté car ils engagent la division

Penser les limites comme une contrainte, une prison, c'est oublier que les limites constituent également le savoir-vivre, qui, conséquemment, engage le savoir-vivre ensemble. L’attentat à Paris, ces jours d'horreur, de barbarie et de deuil, entraînent une prise de conscience quasi mondiale sur les dimensions de la démocratie, la perception mondiale de sa définition et, surtout, ses frontières interculturelles. La perception, la subjectivité de la liberté et la manière d’appréhender l’existence a ses propres frontières interculturelles que nous sommes contraints de repenser. Car qui pense démocratie, pense liberté absolue, oubliant que le conflit interculturel est toujours sournoisement présent. Ce conflit se traduit par des différentes visions de notre monde et le désir de domination d’une part comme de l’autre. Pourtant les limites de la liberté sont celles qui peuvent tolérer une perception du monde autre que la sienne.

Impact de la parole et limites de l’adversaire

S’exprimer en mesurant la portée de nos mots et stimuler diplomatiquement la remise en question de la position de l’autre est peut-être plus efficace que la rage. Le danger d’afficher sans mesure son point de vue peut provoquer la riposte sous des formes non-anticipées, lorsque l'on dépasse les limites tolérées par l’adversaire, car il serait puéril de penser le monde comme un idéal sans adversité. L’actualité récente de cet été 2015 en Europe, comme dans le monde, démontre que la démocratie est en souffrance. Un individu ou une communauté peuvent véhiculer des stéreotypes et des comportements inadéquats, mais cela ne justifie pas l’absence de diplomatie inhérente à tout dialogue interculturel intelligent et mesuré. Qu'en est-il du respect de la question de limites dans la liberté d'expression? La liberté d’expression ou la liberté de la presse est-elle absolue ou contrainte par l’autre, par l’autre subjectivité, l’autre perception du monde ? Ce sujet devient extrêmement délicat. Devons-nous respecter des limites à exprimer son point de vue ? Dans quel cadre social, politique, médiatique nos paroles peuvent-elles mettre un équilibre social en péril ? Le respect des limites n’est-il pas inhérent au dialogue équilibré? L’idéologie quasi puérile de la liberté absolue met en péril notre propre société et notre environnement, nous pouvons le constater dans l’actualité quotidienne. Nous sommes tous intimement liés par des contraintes, des règles, des interactions sociales et culturelles, par des codes et normes, qui engendrent droits et devoirs. Notre langage est construit par ces interactions entre le verbe, la pensée, l’image et nos représentations culturelles qui se dressent en frontières virtuelles. Notre liberté peut exister lorsqu'elle n'agit pas comme une arme contre l'estime de l'autre, d'un groupe ou d'une communauté. Harceler l'autre, même implicitement, verbalement en permanence, sur ses convictions, ses valeurs, ses normes, ses choix, peut provoquer sa révolte, sa revendication et notre division humaine. Donnez des coups de bâtons et montrez les dents à un Pitbull, vous verrez que sa nature fondamentale ressurgira. Acceptez-le, montrez lui les limites avec respect, donnez lui un espace de vie et de quoi se nourrir, il viendra alors vous lécher la main et sera à l’écoute de vos attentes. Nous ne demandons pas que le Pitbull nous lèche la main, mais notre connaissance de sa nature nous permet de mesurer les frontières que nous devons respecter pour ne pas être victime. Sommes-nous donc soumis à la dictature du Pitbull ou sommes-nous justement capable de modérer notre attitude en fonction d’un contexte, reflet d’intelligence et de logique. L’équilibre est fragile dans le manège « du bourreau et de la victime » dans toutes les relations sociales.  Désamorcer les jeux de pouvoir, consiste aussi à désamorcer les préjugés, dimensions interdépendantes qui soutendent l’idéologie de la démocratie, allant de la psychologie sociale, au cadre national, international ou privé. La réponse doit être (re-)pensée. Car, le Pitbull n'a pas choisi d'être ce qu'il est, il n’a pas de capacité d’auto-critique, il n’a pas la connaissance adéquate, il est façonné par sa propre culture ancestrale. Le savoir, la connaissance, permettent de discerner les subjectivités du monde appréhendé par chacun. Mais l’intersubjectivité assemble ou divise, selon la capacité de discernement et le savoir. Le Pitbull, malgré sa nature de combattant, sera éduqué dans ses capacités relationnelles à force de confiance mutuelle et de connaissances des limites respectives. Nous ne comparons, ici, évidemment, aucun être à un Pitbull, mais le pitbull symbolise un attaquant qui peut être en chacun de nous, puisque règne dans tout humain, une révolte, une revendication, un besoin de respect et de reconnaissance.

La toute-puissance démocratique

Peut-être est-ce l’erreur de notre toute puissance occidentale quasi collonialiste, impérialiste ? Nous avons voulu dépasser toutes les règles des conventions sociales construites durant des siècles. La sociologie nous a appris à repenser les normes, déconstruire les rites, au point d'en perdre le respect et la reconnaissance des différences culturelles, intergénérationnelles ou ethniques. Pourtant, les différences construisent la richesse de notre monde, évidemment pour autant que cette différence ne soit pas le reflet d'une dictature.

Droits et devoirs de la démocratie ?

La démocratie nécessite une information, une connaissance des règles auxquelles toutes les populations n’ont pas accès. Le premier conflit d’interprétation se situe déjà dans la laïcité dans l'Etat, particulièrement en France. La perception de la laïcité se traduit comme un interdit alors qu’elle devrait justement être tolérence des différentes convictions. Le bouddhisme dans sa nature originelle, n'est pas une religion, bien que de nombreuses personnes fassent cet amalgame, mais en démocratie, au sens large de la tolérence de la différence, celui-ci devrait être considéré comme modèle. Pour autant que le bouddhisme soit appliqué selon la vraie pensée de Bouddha, ce qui n’est évidemment pas le cas. La perception de la liberté démocratique, telle qu’interprétée dans la société, a perdu la notion de respect de l’autre, de civilité, personne n’ose l’affirmer, tout en subissant une violence sociale au quotidien. Cherchons l’erreur, la démocratie agonise-t-elle dans sa propre subjectivité idéologique ? Dans tous les textes, sacrés ou non, de la bible à la Torah, du Coran aux textes bouddhiques, du savoir-vivre laïc aux communautés ethniques variées : le respect est inconditionnel à toute harmonie sociale et se traduit, entre autre, par la puissance du langage sous toutes ses formes. Usez d’un langage implicitement, voir inconsciemment construit d'hostilité, de remise en question permanente d'un enfant, en défendant que « c’est pour son bien », vous obtiendrez un homme révolté, rempli de revendications, de justifications et de haine contre celui qui l’a nourri.

Tourner sa langue dans sa bouche avant de s’exprimer, semble dépassé, mais les anciens connaissaient la toute-puissance des mots et savaient en faire la promotion à travers les textes sacrés. Nous avons perdu le sens du sacré mais cela ne légitime pas le déni de la blessure que peut engendrée par une parole. Cette année 2015 a remis violemment en lumière la question des limites de la démocratie. Etre démocratique ne consiste pas seulement à donner la parole à tous pour tout et n'importe quoi, mais consiste à mesurer la portée de nos paroles, individuelles ou nationales, dans toutes circonstances. Ce constat sur la liberté d’expression ne légitime aucun crime de sang, nous sommes bien d'accord sur cela.  Néanmoins, il est important de nous souvenir que, depuis toujours, le langage est un instrument pernicieux qui permet l’offensive. Il est donc facile de démontrer que certaines interprétations d’écrits sacrés agissent comme des armes de destruction individuelles ou massives. En conséquent, notre devoir ne consiste-t-il pas à la mesure des formes, des limites et des interprétations que peut véhiculer notre langage médiatique et/ou social ? La démocratie est un mot qui doit repenser sa propre définition dans un cadre d’interdépendance socioculturelle internationale, et encore plus aujourd'hui au regard de l'immigration et de la mixité culturelle.

Marie-Laure de Beausacq, Editorialiste PKB International, agence Suisse

Le 28 août

Article revu et augmenté

Rédigé le 11 janvier 2015

 

 

 

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discrimination préjugés démocratie democraty prejudice religion liberté d'expression human rights

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